SOIRS

Dans ses vols planés vespéraux l'astre s'endort
En pensant derechef à ses polyamours
Dont les braises s’ennuient sur la mer au sang d’or
Où reposent ces morts tués par leur bravoure

Le couchant se divise au dessus du détroit
Et le ciel griffonné de  fumées jaune et rose
La mer et l’amour au bord du ménage à trois
S’irisent doucement de funny machins-choses

Il est triste le soir brumeux quand il éclot
Et dans l’intensité du ciel bleu qui se clôt
Fuis-je non les étoiles s'allument du lustre

Habité par les anges ces gars un peu rustres
Les soirs alors traînent comme leurs longs manteaux
Les rois les reines sont jaloux de ces joyaux

LE SUICIDE INVOLONTAIRE

- Bonsoir Nicolas, que fais-tu ? J’ai quelque chose de sympathique à te proposer glissa suavement Laura dans son message téléphonique et vespéral.
- Vraiment ? Sachant qu’à ma fenêtre fumant je regarde tomber la pluie avec cet intérêt démesuré dû au fait que mon appartement n’est pas muni d’électricité, et qu’ainsi je rumine énormément mes idées sans lumière, je ne peux qu’être ravi et te signifier de plein cœur que cette proposition, Laura, t’élève instantanément au rang de messie personnel, merci ! s’exclama Nico, dont le teint avait parcouru les couleurs chaudes de l’arc-en-ciel à la surprise de cette invitation.
- … à vrai dire, je voulais te faire penser à moi, je suis à ma fenêtre en face et je maudis cet arbre qui nous cache l’un à l’autre, je le trouve terriblement cruel…

 Là-dessus, Nico ne se fit pas prier. Il attrapa la hache qui trônait au-dessus de son lit, et à pieds joints sauta par sa fenêtre pour, n’ayant plus que cette idée en tête, abattre l’arbre du mal au milieu de la cour. Animé par une curieuse envie d’inaugurer cette hache de décoration qu’il avait acheté en prison quelques pièces à un ramoneur peu scrupuleux, plus rien ne semblait pouvoir l’arrêter. D’autant plus que l’amour jouait un rôle dans cette course contre l’environnement et l’adage le dit mieux que personne : le cœur a ses raisons que la raison ignore !

On imagine aisément la suite de l’histoire, lorsque le couple enfin réuni du regard pourra transpercer l’obstacle du vide et vaquer à d’amoureuses occupations. Cependant, ce que l’histoire ne nous dit pas, c’est qu’entre leurs yeux embrumés d'espoirs gonflés par leur désir ardent se dressait un fameux spécimen d’érable noir, un arbre aux proportions dantesques qui dans sa vie peut atteindre la taille de 30m sans avoir à se secouer la chique pour autant ! Or, dans son fulgural élan d’homme nouveau, Nico n’y avait pas pensé à cet acer nigrum impertinent, ni que son appartement n’était rien d’autre qu’un rez-de-cime !! La malheureux termina sa course comme laisse supposer ce que l’effet d’une chute de dix étages fait sur l’anatomie humaine. Et après ça, il y en a encore pour nous susurrer avec conviction que l’amour est plus fort que la mort. Marchands de foutaise !

GLOU GLOU GLOU

C'est l'eau du ruisseau qui embrasse
Les cailloux au fond parsemés
C'est le whisky qui se déplace
De sa bouteille à mon gosier

CLAIR-OBSCUR

Je ne sais ce qu'en diraient d'autres mais ne pas payer ma facture d'électricité m'infligea une surprise de taille(et de contraste) qui me fait me dire que ce choix de boit-sans-soif ne fut pas la plus lumineuse idée que le siècle m'ait donnée !

CADAVRE EXQUIS

Il ne faut pas avoir peur d'écrire quand on en a quelque envie, si petite et fugace soit-elle. Sinon, quelque chose en nous flétrit et s'éteint à jamais, avalé par le magma glouton de notre salle d’attente… rien qu'une futile idée peut-être, mais voilà que l’on porte son cadavre, éparpillé en poussière dans les recoins de la mémoire... Porter des cadavres !!!

MIRACLE

Si les flammes de la foi vous réchauffent prenez garde ! On a déjà prétendu avoir gouté à la pluie près s’être fait pisser dessus.

LES OISEUX




Croyez-vous ce que disent les mouettes
Dans le matin métis
Vous n’oseriez point je suppose
Traduire leurs bêtises

Les goélands eux s’en moquent
Ils planent sur la brise
Quand la coque des chalutiers pleins
Tranche net l’onde exquise

Voici le cormoran qui prend la pose
Pour assécher ses plumes
Je m’en foutiste sous le ciel rose
Que le soleil allume

Que me vaut donc ce nom de fou
Mais la furie vous illumine
De Bassan n’est-ce suffisant
Diantre vous n’êtes pas cygne

Mirons nous dans l’eau étendue
L’albatros aux oblongues ailes
Détient dans l’œil la surface du ciel
Qu’il parcourt avec zèle

ACHTUNG

TIREZ LA LANGUE


C'est un peu faire la révolution que de tirer la langue cela requiert l'effort d'allonger cet organe charnu et délicat, celui qui s'il est souvent caché, masqué par la muraille d'un sourire peut s'anoblir en point central, en sommet, pointe, cime d'un mont de plaisir ou de douceur salivaire. Lorsqu'il devient le réceptacle du goût par exemple là où naissent, se mêlent et fondent les saveurs et où sonne leur glas. Ou encor lorsqu'il devient le sabre érogène d'un baiser pourfendeur de lèvres... C'est donc faire la révolution de l'exposer par sottise, déni ou jeu, c'est prendre sa bite pour en faire une hache ou un filet à papillons ce n'est pas mettre en avant son atout le plus judicieux. Tirer la langue c'est briser le cours d'un discours et de son intellect, c'est redevenir ou rester l'enfant ce n'est pas vulgaire pas impoli c'est gentiment vexant c'est instantané ça tombe comme un mur en 1989 ou à deux siècles près ça veut dire qu'on est pas content etc